La montée du péril écologique laisse entrevoir l’abandon de régions entières par leurs habitants. Cette perspective réactive un mode archaïque de considération des ruines : les préromantiques avaient investi la ruine d’une valeur esthétique propre, en faisant un /objet/ poétique et pictural – désormais, elle retrouve sa fonction de rappel de la fragilité de nos modes de vie et de nos anxiétés vis-à-vis d’un futur post-humain. Cette série est une tentative d’exploration de ce régime esthétique. En couplant bases de données publiques (base Mérimée, Wikimedia Commons) et travail cartographique, il s’est agi d’identifier des ruines débordées par la nature – des vestiges pouvant être photographiés sans qu’aucune autre trace d’activité humaine n’apparaisse en arrière-plan. Les clichés obtenus ont ensuite été traités pour masquer les ruines, en usant d’une variété de techniques d’occultation visuelle : pixélisation, obscurcissement, flou, déformation… un éventail graphique aujourd’hui utilisé partout où il faut anonymiser ou rendre intraçable. Le recouvrement des murs délabrés par ces artéfacts numériques préfigure une apocalypse locale, en même temps qu’il permet au passé humanisé de hanter un présent minéral et végétal. Les clichés sont présentés au public sous une forme bureautique, anti-esthétique : tirages A4 dispersés sur une table. Cette série photographique est inspirée et titrée d’après les /Antiquités de Rome/ de Joachim du Bellay.