La photographie paysagère prend le lieu pour objet : elle s’attache au décor qui, ailleurs, n’est qu’un contenant au service d’un sujet distinct. Ce besoin d’arrière-plans a encouragé la création d’outils numériques, permettant de générer des paysages en 3D pour l’animation ou les jeux vidéos. Ces programmes s’appuient sur une typologie topographique qui anticipe les besoins de leurs utilisateurs : vallée. Pic. Plaine. Col. Falaise. Afin de sonder les catégories du paysage contemporain, j’ai utilisé un de ces outils (TXA Landscape for Blender) pour créer une série de paysages, en sélectionnant à chaque fois un type d’environnement et en conservant les paramètres par défaut. J’ai ensuite entrepris un relevé photographique de chacun de ces lieux au sein d’un logiciel 3D, en plaçant mon appareil photo virtuel selon une logique topographique et visuelle : il s’est agi d’appliquer la logique documentaire d’un Ansel Adams au degré zéro du paysage. Enfin, j’ai photographié l’écran de mon ordinateur avec une chambre photographique très grand format, comme pour rétablir l’authenticité de ces clichés. Institués par une tradition picturale et photographique, condensés dans des modèles informatiques, mis en image par un appareil du milieu du XXème siècle, capturés par un dispositif numérique bricolé, incarnés jusqu’au kitsch par un support papier : ces paysages ne cessent d’osciller entre naturalité et discursivité, entre analogique et numérique.